Guileless son,
I'll shape your belief
Premier, premier, premier... Oui, j’avoue, je suis né le premier. Et après ? J’ignorais que tout tournerait ainsi... J’ignorais que ma vie serait décidée par une multitude de traditions... Il faut dire que je n’avais aucun moyen de deviner ce que serait ma vie. Et de toute façon jamais je n’aurais pu faire marche arrière. Est-ce que j’aurais aimé ? Est-ce que je voudrais d’une autre vie ? Non. Après tout, non. Mais je ne suis pas là pour raconter mes états d’âme, mes doutes et tout ce qui va avec je crois. Non, il est temps pour moi de faire le résumé de mon existence... Alors oui, je suis né le premier chez les Lonwin. J’ai découvert comment respirer un 13 février. Je ne me souviens de rien, je l’avoue, mais quand on avait le temps, on m’expliquait mon histoire... Et comme tout est à présent pas écrit, je n’ai qu’à résumer un peu. Je sais que les parents étaient fiers. Fiers d’avoir un fils. Et j’allais juste devoir apprendre à être à la hauteur de ce nom que je porte.
Ils ont tout décidé à ma place. Normal après tout, je n’étais encore qu’un petit garçon. Je n’avais même pas quatre ans. Par contre, je bougeais beaucoup. Un peu trop je crois. Avec Diarmaid, qui est arrivé un an après moi, on ne tenait pas en place. On en a fait des bêtises tous les deux ! Oh que oui. Encore plus quand des amis des parents venaient à la maison, avec leurs enfants de notre âge ! Et les parents ne s’ennuyaient jamais. Non, jamais... Ils étaient trop occupés à essayer de nous canaliser pour avoir le temps de s’ennuyer. Mais on grandit très vite à notre âge... Oui, très vite. Moi aussi. J’ai rapidement atteint mes quatre ans. Ce même âge qu’avait mon père lorsqu’il a commencé, cet âge qu’avait mon grand-père et tous ceux qui ont précédé... Traditions...
Ce changement ? Il y en a eu deux. Et le premier, franchement... Bah, juste suivre les traces des Lonwin : l’escrime. Début des cours, en mode intensif. Oui, j’avais quatre ans et je me retrouvais déjà avec un fleuret entre les mains. Enfin, fleuret... Oui, je crois que c’est la première arme que j’ai utilisé. Quoique non, j’ai eu droit aux dagues mais mon père a vit laissé tomber quand il a vu que j’étais assez maladroit avec... Bref. Il a été mon prof d’escrime. Tous les soirs j’avais droit à une heure d’entraînement. Plusieurs le weekend. Le moins que je puisse dire, c’est que ça a suffit pour me calmer. De l’autre côté, j’ai aussi eu droit à l’éducation familiale. En gros : bien se tenir, être fier, irréprochable, toujours réfléchir avant de faire quelque chose... Aucune erreur n’a jamais été permise. Ne jamais s’écarter des traditions, respecter le protocole. Je n’avais que quatre ans... Je suis tout de même reconnaissant à mes parents de ne pas avoir ajouté la haine à mon éducation. Pas à cet âge. La rivalité non plus, je n’ai pas eu à me soucier de ça. Il était trop tôt pour eux... Et je le pense aussi. Chaque chose en son temps.
Autre changement ? La naissance d’un autre petit frère, le petit dernier : Ciar. Laissé de côté par mon père parce qu’il n’était que le troisième... Du haut de mes quatre ans, enfin surtout cinq, je trouvais ça injuste. Oui, j’étais l’aîné donc je devais apprendre plus de choses mais ce n’était pas juste que mon petit frère ait moins d’attention. Alors je passais beaucoup de temps avec ma mère et mes frères, parce que je ne voulais pas être le centre d’attention de notre père. Parce que j’aimais mes frères, je les aime toujours d’ailleurs... Même si d’un autre côté j’étais ravi de savoir que Ciar n’aurait pas à subir tous les entraînements auxquels j’avais droit... Oui, lui serait épargné par le poids familial. Un poids que je partageais un tout petit peu avec Diarmaid. Mais très peu. C’était... Comment dire... Étrange. Étrange de voir un petit brun de cet âge aussi mature, aussi sérieux, aussi calme. C’est pourtant ce que j’étais. Mais on ne peut pas comprendre parce qu’on ne met pas le nez dans les affaires des Lonwin, et pour cause : ils ont toujours possédé un mode d’éducation très strict. Trop diraient certains s’ils savaient. Mais un mode d’éducation ayant toujours fait ses preuves. Je peux en témoigner.
« Il souriait, regardant son petit frère tendre les mains vers lui, attraper un de ses doigts, le serrant fort ! Et l’aîné se mit à rire. Rire de voir son petit Ciar agir comme ça ! Il rentrait juste de l’école et était directement allé voir son plus jeune frère, après avoir laissé Diarmaid dans la cuisine pour qu’il avale son goûter. Et sa mère qui souriait en le regardant... Oui, du haut de ses cinq ans, l’aîné des Lonwin était rentré tout seul à la maison comme un grand, trainant son cadet avec lui. Il était grand ! Et les parents lui faisaient confiance. C’était bien ! Et puis il savait que son petit frère l’aimait bien. C’était tout ce qu’il voulait : qu’il l’aime bien et que lui-même puisse être un bon grand frère pour lui. Il serait bien resté là, seulement...
-Rian !
-Oui, Père ? demanda le petit en sursautant, se tournant vers l’adulte qui venait d’entrer.
-Mets-toi en tenue, l’entraînement commence dans cinq minutes.Sur ces quelques paroles l’homme tourna les talons et disparut dans le couloir. Le petit soupira. Encore l’entraînement, comme tous les soirs. Mais il n’avait pas le choix, et il était hors de question de mettre son paternel en rogne en étant en retard. Ce fut pour cette raison qu’il fit un bisou à son petit frère puis à sa mère avant de filer dans sa chambre en quatrième vitesse. Chaussettes, pantalon, sous-cuirasse, veste, chaussures, gants. Puis il attrapa son masque et gagna l’entrée à toute vitesse. Record battu : trois minutes pour être prêt ! Bon, il avait un peu les cheveux en pétard mais son père ne fit aucun commentaire, se contentant de lui sourire. Ceci plut au petit qui sourit à son tour avant de lui emboîter le pas jusqu’à la salle d’entraînement.
C’était une grande salle. Très grande, avec un sol lisse et très bien entretenu. Cet endroit avait toujours été très fréquenté, de nombreuses familles s’y rendaient que ce soit pour de petites compétitions ou des entraînements occasionnels, en plus des élèves. Rian aimait cet endroit, même s’il y venait toujours par obligation. Il aurait tout de même préféré pouvoir goûter avant de s’entraîner... Mais non, pas le temps. Il soupira donc et alla chercher dans l’armoire où les fleurets étaient rangés. Enfin, fleurets, sabres et épées d’escrime. Alors, une à sa taille... Il fouilla quelques instants avant d’en trouver deux. Et là il fronça les sourcils... Son père lui avait expliqué qu’il devait toujours être à l’aise avec ses armes, donc trouver celle qui avait un bon équilibre... Il testa les deux... Et finalement prit celle qui lui faisait moins mal au poignet. Il était prêt ! Il mit donc son masque et vint se mettre en position devant son père. Ce dernier avait déjà son fleuret en main...
-Prêt ?Mais avant même d’avoir eu le temps de dire si c’était bon qu’il y eut un coup droit. Trop surpris pour réagir, le gamin se prit la pointe de la lame et tomba en arrière. Mais ! Il ne voyait pas le visage de son père mais savait déjà quel reproche celui-ci lui faisait : toujours être prêt. Tout ne monde n’attaque pas de manière loyale, il faut donc toujours être sur ses gardes. Il le savait mais se faisait avoir à chaque fois... Il soupira donc et se remit en position. Voilà, il était prêt ! Nouvelle tentative de coup droit de son père, qu’il tenta de parer par une parade... Sauf qu’en fait le coup se révéla être un dégagement, la pointe de la lame passant sous la coquille, et le petit se fit à nouveau toucher. Pas juste... Et la puissance du coup le fit reculer. Mais il se tut... Se remettre en position... Il allait réussir à parer une de ses attaques ! Cette fois il était concentré ! Derrière son masque il observait chaque geste de l’adulte, essayant de retrouver ce qu’il avait appris pour prévoir la prochaine attaque... Et son père lança un nouveau coup droit ! Cette fois, évité ! Sauf que c’était là une feinte et il enchaina avec un nouveau coup droit qui toucha. Cette fois, l’enfant tomba au sol, les larmes aux yeux.
-Père ! Vous me faites mal !
-Un adversaire ne te laissera aucune chance, Rian. Cesse de pleurnicher et remets-toi debout.
-Mais...
-Quelque chose à dire ?Vu le ton glacial employé par l’adulte... Non, il valait mieux se taire. Le petit garçon se releva alors, ravalant ses larmes. Il avait mal... Mais son père ne le lâcherait pas avant qu’il ait réussi à faire quelque chose de correct. Alors il devait faire de son mieux. Inspirant profondément, il se replaça... Et cette fois lançant l’offensive par un dégagement ! Et na ! Sauf qu’il se fit contrer par une parade circulaire... Et toucher par une contre-attaque. Zut ! Fronçant les sourcils, il préféra rester en position de garde, passant en quarte et non en sixte. Voilà, il ne pourrait plus toucher le torse ni le ventre ! Il sut que son père en était un peu intrigué mais tant mieux. Et cette fois il y eut une nouvelle feinte de la part de l’adulte. Sauf que le petit en profita pour s’avancer, repassant en sixte, et utilisa un coup droit. Et na ! S’il loupa son coup de peu, il était fier de lui ! Très fier ! D’ailleurs, il put presque voir le sourire fier de son père derrière le treillis métallique. D’ailleurs, ce dernier se remit en position de garde et le salua. Surpris, il l'imita aussitôt. Combat fini apparemment... Oui, l’adulte retira son masque.
-Tu apprends vite Rian. C’est bien. Continue sur cette voie. Que dirais-tu de de changer un peu d’arme pour ce soir ? Un peu de changement ferait du bien.
-Oui, Père. Je veux en apprendre plus !L’adulte sourit, de même pour l’enfant... De fleuret, ils passèrent au sabre. Après un peu plus d’un an de pratique. Mais c’était ainsi, il fallait apprendre... Et retenir du premier coup, pas le choix. »
Guileless son,
Your spirit will hate
C’est ainsi que se passèrent mes premières années : entre mes frères, les entraînements... Et l’école. Oui, la maternelle puis le début de la primaire furent bien tranquilles. J’étais bien là-bas, je parlais facilement avec tout mes camarades même si, par principe, je restais surtout avec les enfants des amis de mes parents, dont principalement Elanor. Cela réduisait de beaucoup le cercle d’amis que j’avais mais c’était suffisant. Oui, largement suffisant. Je ne m’attirais pas tellement d’ennuis non plus, j’étais calme depuis le début des entraînements. J’étais un curieux gamin je crois... Appliqué dans ce que je faisais, toujours de bonne humeur même si j’étais plus mature que la plupart de mes camarades... Non, je ne me faisais pas vraiment détester. Au contraire, les adultes m’aimaient bien. Et les autres de la classe aussi je pense. Enfin... Oui, je crois.
Mais tout ne peut pas rester indéfiniment ainsi... Malheureusement... Et je me serai volontiers passé d’un tel événement dans mon existence... Oh oui, je m’en serais très volontiers passé... Mais on ne peut pas changer le cours des choses. Si je crois au destin ? Qui sait... J’étais encore petit à l’époque. J’avais sept ans. On était en été. On était à Londres. Oui, on avait quitté Eulgur le temps de quelques jours, histoire de se reposer. Même si j’avais encore mes entraînements le soir... Ce fameux soir, ma mère m’a emmené faire un tour dehors, loin de mon père, laissant ce dernier avec mes frères. Il était tard, très tard mais je n’avais pas sommeil. Non, on se promenait le long de la Tamise et on parlait tous les deux. C’était bien, c’était calme... Trop malheureusement...
«
-Maman... Tu crois que ça va aller si on laisse Père seul avec Ciar et Diarmaid ?
-Fais un peu confiance à ton père, il sait s'occuper de tes frères.
-Peut-être mais il ne le fait jamais...
-Parce que lui-même a été le centre d'attention de ses parents quand il avait ton âge. Ne lui en veut pas, il ne fait que répéter ce qu'il a vécu.Je fixe le sol... Elle a raison mais c'est tout de même pas juste pour mes frères. Pas juste du tout. Mais ce soir je ne dois pas y penser, je suis que avec ma mère, on fait une balade dans les rues de Londres, donc... Voilà. Je reporte mon attention sur la ville en elle-même. Ça change d’Eulgur. Je n’ai pas l’habitude des très grandes villes comme ça, non, pas du tout. Mais tout est chargé d’histoire, cela je sens. Je peux deviner que la capitale de l’Angleterre a vu bien des choses, même si j’ignore lesquelles. Je saurai peut-être un jour. Peut-être que ma mère m’expliquera tout ce qu’elle sait. Elle sait beaucoup de choses ma mère, elle a fait des études d’histoire ! Alors évidemment, les légendes elle connait très bien. Mais pas que les légendes. Je relève la tête, la regardant... Ses longs cheveux bruns foncés descendant en cascade jusqu'au milieu de son dos... Des traits réguliers, une touche de maquillage qui fait ressortir ses yeux bleu très clairs, surtout à la lumière des lampadaires... Elle est belle ma mère. J’aimerais passer plus de temps avec elle pour qu’elle puis tout m’apprendre ! Mais je suis coincé avec mon père...
Je soupire un peu et reporte mon attention sur le rebord... Non, sur la Tamise de l’autre côté, environ trois mètres plus bas. Elle coule lentement, reflétant les lumières des lampadaires... C’est joli. Très joli ! Ce n’est pas comme le lac sur lequel on peut voir les étoiles se refléter, surtout qu’ici on ne peut pas voir les étoiles, mais c’est joli quand même. Du calme... Oui, c’est bien. Et on ne croise pas grand monde. Il est quelle heure déjà ? Onze heures du soir ? Je crois... En tout cas il était cette heure là quand on a quitté l’appartement. J’accélère un peu l’allure pour m’arrêter plus loin et regarder l’eau qui coule à son rythme. Tout cela me calme... C’est bien qu’il ne pleuve pas, sinon on aurait été obligé de rester à l’intérieur. Surtout que j’aime la nuit, je n’ai pas peur du noir et de toute façon, la nuit, on est sous la surveillance de la lune, quoi qu’il arrive. Elle est moins débordée que le soleil, elle. Ma mère me rejoint et pose une main dans mes cheveux. Je la regarde me sourire... Et je lui souris en retour. Elle ne parle pas beaucoup. Moi non plus. Je crois que ce côté de mon caractère, c’est d’elle que je le tiens. Je reprends ma route avec elle... Jusqu’à ce que...
-Le pont !!!Oui, le pont, notre destination ! Je cours pour être le premier arrivé ! Ouais ! Sauf que je n’ai pas envie de m’arrêter, alors je cherche un moyen de stopper net ma course... Je remarque un lampadaire... Et je passe juste à côté, attrapant la barre de fer dans une main. Outch, arrêté d’un coup ! Et je fais même un tour complet autour du lampadaire, surpris par la puissance du choc. Je courais si vite que cela ? Apparemment... En tout cas je me suis fait mal au bras en m’arrêtant comme ça. Mais pas grave. Non, pas grave. Je me masse un peu le bras puis jette un coup d’oeil au rebord... Il fait une trentaine de centimètres de large... Génial ! Je me hisse dessus et me retrouve en équilibre, au bord du vide, la Tamise juste en dessous. C’est génial comme sensation ! Je me tourne vers ma mère qui est encore assez loin et lui fait de grands signes de la main. Je sais qu’elle me voit, parce que je suis bien éclairé par le lampadaire.
-Maman !!! Regarde, je suis plus grand que toi et que Père !!!
-Rian, descend ! Tu risques de tomber !Mais heu, c’est pas juste... Je suis bien là-haut moi... Et puis j’ai un bon équilibre. Mais je descends quand même parce que je sais qu’elle s’inquiète. Elle s’inquiète déjà beaucoup, je le sais, même si les autres ne le voient pas. Elle s’inquiète pour toute la famille. Je ne comprends pas trop de quoi elle a peur par contre. Je comprendrai quand je serai grand je pense. Je l’attends donc. Mais il y a un drôle de bruit. Des pneus qui crissent sur la route... Je fronce les sourcils et regarde droit devant, au loin. Il y a des phares d’allumés, mais ils bougent beaucoup. C’est pas normal ça, j’ai l’impression que la voiture ne va pas droit... Enfin... Oui, c’est une voiture, il y a deux lumières. Et elles se rapprochent... Je n’aime pas ça. Pas du tout. Ce n’est pas normal... Je commence à la distinguer, c’est bien une voiture. Grise. Et elle roule en zigzag. Non, je n’aime pas du tout. Ma mère m’a toujours dit de faire très attention dans les rues, il arrivait souvent des accidents avec les voitures, et ceux-ci sont apparemment graves. Ma mère... Ah, mais la voiture se rapproche d’elle ! Je panique un peu et fait un pas dans sa direction !
-Maman ! Attention !Elle me regarde, se retourne alors que la voiture est toute proche... Et là... Tout se passe très vite... Trop vite, je ne comprends pas sur le coup... La voiture tourne brusquement, montant sur le trottoir... Et fonce dans ma mère... la voiture s’arrête contre le rebord ma mère bloquée entre les pierres et le capot fumant... Je cligne des yeux... Qu’est-ce que... Qu’est-ce qu’il se passe ? Et les pierres cèdent, je vois ma mère qui bascule en arrière, qui tombe... Disparue... Je ne la vois plus... Plus rien... Rien qu’une voiture au capot tout de travers et qui fume beaucoup... Les vitres sont rouges de l’intérieur. Enfin, pour ce qu’il en reste. Mais que... Je... Je ne comprends pas ce qu’il se passe... Pourquoi est-ce que... Mais... Non... Non ! NON !!! Je bouge enfin, courant vers l’endroit, me penchant par-dessus le rebord ! Je ne vois rien, rien du tout ! Non, c’est pas vrai, c’est un cauchemar ! Elle n’a pas pu tomber hein ? C’est pas vrai, ce n’est pas possible !
-MAMAN !!!Pourquoi c’est mouillé là où je pose ma main ? Je regarde... C’est liquide, c’est rouge, ça a une odeur de rouille... Les pierres en sont couvertes... Il en coule aussi de la voiture... Je... Du... Du sang. C’est du sang. Il y en a plein sur le trottoir... Mais, mais, mais... C’est un cauchemar hein ? Oui, ça ne peut être qu’un cauchemar... Je ne veux pas... Ce... Non... NON !!! J’ai compris mais je ne veux pas comprendre !!! Je ne veux pas !!! Elle ne peut pas, ce n’est pas possible que... Elle ne peut pas être tombée, elle ne peut pas être partie... J’ai besoin d’elle, mes frères ont besoin d’elle, mon père a besoin d’elle ! Je me trompe, elle va bien, elle est juste tombée ! Je n’y crois même pas... Trop de sang... Cette odeur qui me tourne la tête... Un mouvement dans la voiture capte mon attention... Un bonhomme en sort très difficilement avant de s’écrouler au sol... Il saigne de partout... Encore du sang... Plein de sang... Qu’est-ce qui coule sur mes joues ? Des larmes ? Oui... Je pleure... Je tombe, je ne tiens plus sur mes jambes... J’ai mal, si mal... Trop mal ! Je me recroqueville sur le sol, me fichant du sang, de l’huile qui coule, j’ai trop mal ! Je n’arrête pas de pleurer, je ne veux plus rester, non ! Et je répète une phrase, une seule phrase, sans m’arrêter, sans y faire attention... Cette seule phrase qui hante mon esprit...
-Elle est plus là...J’ai trop mal... Je veux disparaître... Je ne sais pas combien de temps je reste là, sur le sol, sur le béton, pleurant toutes les larmes de mon corps. Et même que je n’ai plus de larmes je continue, recroquevillé... Elle est partie, elle n’est plus là pour nous... Des gens me font me relever... Je les regarde sans les voir... Je ne sais pas qui c’est, je n’entends pas ce qu’ils racontent... Je ne veux pas savoir... Ma mère n’est plus là... Qu’ils me laissent tranquille... Je veux rester là, je veux la retrouver... La retrouver ? Mais ! Ils essayent de m’emmener ??? Non !!! Je ne veux pas ! Je me dégage brusquement et retourne au bord, criant, espérant peut-être que ma mère m’entendra... Sauf que ma voix est complètement brisée, je m’entends à peine... J’ai mal, je n’en peux plus... Je me sens tomber... Dans le vide moi aussi ? Non, quelqu’un me rattrape et me tire en arrière... Je ne veux pas ! Qu’il me laisse tomber !!! Je ne sais pas nager mais c’est pas grave !!! Qu’il me LÂCHE !!!
-NAN !!! Laissez-moi !!! Ma maman est tombée !!!Mais il ne me lâche pas, au contraire, il m’embarque dans une voiture rouge. Voiture ? Trop grand pour une voiture. Camionnette ? Ah, non, je crois que c’est une voiture de pompiers... Mais je m’en fiche de ce que c’est... Je regarde le sol, plus rien d’autre... Si je pleure encore ? Non, j’ai les yeux secs... Je ne pense plus à rien, je ne veux penser à rien... Je me recroqueville et ne bouge plus... J’en ai marre... Je veux disparaître... J’ai mal... Trop mal... Pitié, dites-moi que c’est un cauchemar... Que ce n’est rien de plus qu’un cauchemar... Dites-moi que je vais me réveiller, qu’elle sera là, qu’elle me rassurera... Pitié... Pitié... »
Je n’étais vraiment pas bien... Et je peux dire que cela ne s’est pas arrangé... Le lendemain mon père me retrouvait à l’hôpital... Je ne voulais pas dire un seul mot... Je ne voulais plus parler... J’avais trop honte pour le regarder... Honte de ne pas avoir sauvé ma mère... Oui, c’était idiot, je n’aurais rien pu faire mais je me sentais coupable. Coupable d’avoir été impuissant, coupable de n’avoir rien fait d’autre que pleurer... Et la tête que faisait mon père... Il avait compris ce qu’il s’était passé... Les pompiers et les infirmiers lui avaient expliqué... Ce n’était pas ma journée. Pas du tout. Car ce même jour on repêcha le corps de ma mère. Brisé en deux. Colonne vertébrale complètement brisée, sans compter les jambes et tous les organes internes détruits... Enfin, internes... Je ne décrirai pas ce que j’ai vu, j’irai aussitôt vomir tout ce que j’ai dans l’estomac, mais ce n’était... Vraiment pas beau à voir... Non, pas du tout... Il m’a fallu énormément de temps pour m’en remettre... Encore heureux que mes frères n’aient rien vu... Oui, encore heureux... Je n’ose pas imaginer combien ils auraient été traumatisés. Et en plus elle était encore en vie en tombant dans l’eau, donc elle s’est noyée...
Mais je n’ai pas tellement eu le temps de me morfondre sur tout cela... Oui, il faut bien l’avouer, la mort de ma mère m’a obligé à grandir d’un coup. Mon père a été obligé de me lâcher un peu parce que je faisais ce qu’il ne faisait pas : veiller sur mes frères, s’occuper d’eux. Là-dessus je lui en veux à mon père, il n’était pas assez présent. Mais d’un autre côté, il avait perdu sa femme, il se retrouvait avec trois gosses sans savoir comment réagir... Alors oui, je l’excuse un peu. Mais juste un peu. J’aurais aimé de l’aide. Et surtout qu’il mette un peu plus le frein sur mes entraînements. Quoique, ceux-ci me détendaient. Je pouvais penser à autre chose. Donc non. Je ne sais pas ce qui aurait été le mieux... Mais je reste convaincu qu’un coup de main de mon père aurait été plus que bénéfique.
L’école après ça... Hum... J’avoue que je me suis vraiment isolé. Les bandes de potes, très peu pour moi. De toute façon, les autres me trouvaient trop sérieux. Pff. Et les adultes m’énervaient avec leur ton condescendant et tout le reste... Ouais, je m’occupais de mes petits frères, oui j’avais perdu ma mère, et après ? Inutile de me le rappeler ! Et le moins que je puisse dire c’est que... J’ai appris à les détester. Je n’aimais pas les adultes. Ils étaient nuls ! Et je me montrais incroyablement insolent, je l’avoue. Je le suis toujours mais moins quand même. Beaucoup moins. Mon père a d’ailleurs un peu profité de cette colère que j’avais contre les adultes pour la modifier, la tourner vers autre chose. Une rivalité ancestrale avec les Peterson. Je devais me montrer meilleurs qu’eux dans tous les domaines. Pas facile... Mais d’accord. J’avais besoin de quelque chose sur quoi reporter ma colère, mon envie de me défouler. Alors j’ai accepté, je me suis pris au jeu. Toujours le meilleur. Et lorsque ce n’était pas le cas j’étais puni. Mais au moins cela suffit pour me faire passer les années. Cela suffit pour que je dépasse la primaire, pour que j’entre au collège. Je n’imaginais pas que les choses pourraient encore changer...
Guileless son,
Each day you grow older
Non, je ne me doutais pas que les choses changeraient à nouveau. C’était tellement... Improbable. Plus rien ne pouvait changer dans mon existence, rien ne la ferait basculer à nouveau... J’avais tord de penser ainsi, les événements s'enchaînent d’une manière que je ne parviens pas à comprendre... Avant, petit passage qui a marqué mon entrée au collège. Je sais, c’est idiot, je n’aime pas penser à ça mais... C’est tout de même, de mon point de vue, assez important pour expliquer un de mes traits de caractère... Pourquoi je ne sais pas nager ? Pour de multiples raisons... Et je déteste mon père pour l’une d’elles...
«
-Il est grand temps que tu apprennes. Va dans l’eau.
-Mais, Père...
-Il n’y a pas de mais qui tienne. Entre dans l’eau.Je déglutis et regarde l’eau... On est dans une barque, sur le lac, en plein mois d’août... Il fait chaud mais là je suis surtout pas à l’aise... Mon père m’a amené là parce qu’il dit que je dois apprendre à nager. Sauf que là on est loin du bord et je sais que j’ai pas pieds... C’est pas que j’ai peur de l’eau, j’ai pas peur, mais l’idée d’aller dedans, c’est... Je veux pas. Non, je ne veux pas. Je regarde mon père, suppliant. On ne peut pas retourner au bord ? Là d’accord, j’irai dans l’eau ! Promis ! Mais pas là ! Mais à voir son regard la réponse est non... Je dois y aller, tout de suite et maintenant... Non... Méchant ! Je ne veux pas ! Sauf que je le sens s’énerver... Non... Je finis par soupirer... Pas le choix... Je suis déjà en tenue pour aller dans l’eau, alors je ne peux même pas prendre mon temps en me déshabillant... Ce n’est pas juste ! Mais je suis obligé...
Donc finalement je mets un pied dans l’eau. Puis le deuxième. Je prends une grande inspiration... Puis me laisse glisser dans l’eau agrippant la barque. Brr... Elle est froide. Je garde les bras, et tout ce qu’il y a au-dessus des épaules hors de l’eau, me tenant fermement. J’aime pas ça... Pas du tout... Mes pieds sont dans le vide, je n’ai rien sur quoi m’appuyer, je ne sais pas comment réagir... Mes doigts sont blancs tellement je serre fort mais je ne m’en rends pas compte... Je ne sais pas nager, il est hors de question que je lâche... Le jette un regard à mon père... Il est neutre. Je sais ce qu’il attend que je fasse : que je lâche et m’éloigne de la barque... Il dit qu’on apprend vite en situation mais je le crois pas... Je sais que je vais avoir des problèmes... Je ne veux pas lâcher...
-Lâche-ça. Tout de suite.Voilà... Et j’obéis, appuyant sur le rebord de la barque pour m’éloigner un peu... Sauf que... Que... Je commence à m’enfoncer dans l’eau ! Non, je... Comment on est sensé nager ? Je sais pas du tout moi !!! Je m’agite, j’ai peur. Très peur ! J’ai un problème, j’arrive pas à me maintenir à la surface ! Pourtant je bouge mais je ne fais que m’enfoncer ! Nan, je veux pas ! Au secours !!! Je suis en train de couler, je ne veux pas que ça arrive, je ne veux pas que ça fasse comme avec ma mère ! Ma mère... Maman... Elle s’est noyée... Noyée... Non... Perdu dans l’eau, coulant... J’imagine très bien maintenant... Ne pas bouger, s’enfoncer petit à petit dans l’eau, être complètement recouvert... Et inconsciemment, c’est ce que je fais aussi... Je cesse de me débattre, coulant juste...
Je suis sous l’eau... Je n’arrive plus à respirer, je suis complètement figé ! Je veux remonter mais je n’arrive même plus à bouger ! J’ai peur, j’ai mal aux poumons aussi ! Je coule ! Je serre les dents, espérant réussir à tenir... Mon père va venir me récupérer, je le sais... Mais quand ? Je tiens pas, je tiens plus ! J’ai besoin de respirer !!! Et je craque, j’ouvre grand la bouche. Sauf que c’est de l’eau qui entre, pas de l’air. Mal !!! Je n’en peux plus, j’ai les poumons qui vont exploser ! Je n’en peux vraiment plus, j’ai mal, trop mal, si mal... Maman a vécu ça aussi ? Elle aussi elle s’est sentie sombrer petit à petit, en même temps qu’elle s’enfonçait dans l’eau ? Elle aussi avait mal comme ça ? Je ne sais pas... Peut-être... Peut-être que j’arrive un peu à comprendre comment elle est morte... Ce qu’elle a ressenti... Je ne... Veux pas couler... Sauf que... Je n’ai... Plus... De... Force... J’essaye de respirer mais c’est de l’eau qui rentre, je ne tiens pas, je ne... Tiens... Plus... Je sombre juste... Je n’en peux plus... Je coule... Et perds connaissance... »
Oui, mon père m’a repêché après ça. J’étais un peu mal en point mais rien de bien grave. Toutefois, voilà pourquoi je n’ai plus jamais mis les pieds dans l’eau si je n’avais pas pied. Et pourquoi j’ai quelques problèmes la nuit, suite à un certain type de cauchemar... Mais que je reprenne le fil du temps. Finie la primaire, bonjour le collège. Mais je ne changeais pas tellement en fait. Toujours dans mon coin, à réfléchir loin de l’agitation si caractéristique de mes camarades. A bien y réfléchir, les professeurs devaient aussi me trouver étrange. Peu bavard et pourtant attaquant rapidement si on me cherchait... Comme le serpent reste replié avant de lancer une attaque foudroyante. Bon, je ne me compare pas à un serpent. Non non. Les cours m’ennuyaient un peu, je pensais constamment à autre chose... Généralement ce que je ferai à manger à tout le monde le soir, comment organiser mes entraînements et peut-être planifier l’ordre dans lequel faire mes devoirs. Et toujours mettre mon emploie du temps à jour en prenant en compte le travail de dernière minute. J’avoue aussi avoir été un vrai sale gosse par moments. Surtout lorsque les cours finissaient plus tard que ceux de mes frères : je claquais toujours la porte avant la fin du cours pour être à la primaire lorsque mes frères en sortaient. Oui, j’ai eu des retenues à cause de cela et ça m’énervait profondément, mais d’un autre côté je trouvais ça pathétique de la part des adultes. Me punir alors que je devais m’occuper de mes frangins... Nul. Ces adultes...
Je parle de mes entraînements. Oui, je continuais par moi-même. Lorsque j’avais du temps libre j’allais m’entraîner à l’écart, loin de mon père, de la salle, de tous ces escrimeurs, pour manipuler un tout autre type d’arme : les épées médiévales ! Enfin pas que, toutes les armes blanches. Mais j’ai une nette préférence pour les épées. Impressionnantes, double tranchant, bonne maniabilité lorsqu’elles sont correctement fabriquées... Oui, c’est bien les épées. Pas comme l’escrime classique... Non. Mais je ne vais pas trop en parler, parce que sinon je me montrerais trop bavard je pense. Donc, j’allais loin, à l’écart. La forêt est bien pour les entraînements, il n’y a personne pour observer, on peut faire ce qu’on veut si on trouve le bon endroit... J’avais trouvé une petite clairière où mon père avait accepté d’installer un poteau de bois pour quand je voulais y aller. Il a oublié après.. Heureusement. Oui, c’était bien. Et ce fut lors d’un de ces entraînements quasi-quotidiens que tout changea à nouveau.
« Je suis fatigué... Fatigué et j’ai mal aux bras. Je suis là depuis combien de temps ? Je ne sais plus... Je jette un coup d'œil au ciel... C’est bon, il n’est pas trop clair, il n’est pas encore trop tard. Je reste ? Hum... Oui. Mais mon épée commence à se faire lourde entre mes mains... Longue épée. 60 cm de long pour la lame. 15 pour la poignée. Point d’équilibre pile à la base de la lame, de qui donne un super équilibre pour les figures ! C’est une arme de spectacle, évidemment. Une épée bâtarde, ou aussi appelée épée à une main et demie. Autrement dit manipulable à une ou deux mains. J’aime ce type d’épée. Vraiment ! Bref. Je souffle un bon coup, ferme les yeux le temps de reprendre des forces... Puis je recommence ! L’arme tourne entre mes mains, la lame trace des cercles dans les airs, autour de moi, je suis concentré sur ce que je fais. Pas de mouvement irréfléchi. Pas de précipitation. Je suis rapide mais si la lame n’est pas vraiment affutée, je dois faire attention. Les accidents sont très vite arrivés, je le sais. Alors je me concentre. Toujours un peu plus. Père le répète souvent : le moindre faux-pas peut être fatal. Enfin, je crois que je risque pas grand chose mais j’applique les principes. Pas de faux-pas, pas de geste inconsidéré. Tout calculer, tout prévoir à l’avance pour ne pas être surpris. Je suis ses conseils...
Et la lame continue à tournoyer autour de moi... J’ai chaud... J’ai toujours chaud quand je m’entraîne longtemps. Mais là plus que d’habitude. Je ne comprends pas tellement pourquoi... Mais je ne cherche pas non plus à savoir. Quelques pivots, quelques mouvements de côté, pas à pas, évitant de croiser les jambes car cela risquerait de me déséquilibrer, je tourne autour du vieux tronc. Les yeux mi-clos j’imagine ce que cela donnerait si j’étais en face d’un adversaire. Tourner, ne pas rester en place, être imprévisible... Les mouvements d’épée doivent être maîtrisés... Ouais, je m’en sors... J’ai juste lâché l’épée quatre fois depuis que je suis là... Cette fois je devrais pouvoir m’en sortir. Je me concentre et pose les deux mains sur la poignée, serrant les poings... Allez, le moment de l’assaut est arrivé ! Trois pas rapides en avant, un autre sur le côté... Et je frappe le bois de toutes mes forces ! Le choc se répercute dans mes bras, ça fait très mal ! Sous le coup je lâche mon épée qui tombe dans l’herbe dans un bruit d’acier étouffé et recule de trois pas... J’ai très mal aux bras ! Mais vraiment très mal ! Je regarde l’épée au sol... Puis le poteau sur lequel il y a une nouvelle entaille... Bon, au moins, j’ai réussi à frapper fort. Mais ça fait très mal. Et ça m’énerve... Ca m’énerve vraiment ! Pourquoi ça fait toujours ça ?
-Marre !!! C’est pas juste, ça fait toujours mal !Je boude le bout de bois. Je boude mon père qui s’en sort très bien. Je boude ma propre faiblesse. Je suis trop jeune... Je n’y arrive pas... Et en plus j’ai les mains en sang en fait. Voilà aussi pourquoi j’ai mal. Et ça m’énerve. Bon, je récupère mon épée et la rient à deux mains, respirant difficilement. Je suis épuisé... Je vais devoir rentrer... Sauf que je ne veux pas rentrer avant d’avoir plus de résultat ! Je veut être capable de frapper sans lâcher mon arme. Père y arrive, alors pourquoi pas moi ? Voilà, moi aussi je vais y arriver ! Je reprend mon souffle... Et me remet en position. À trois je frappe de toutes mes forces. Un. Deux... Et je sursaute. Quoi ? Il y a une flamme pas loin ! Du feu ??? Pourquoi du feu ??? Non, il ne peut pas y avoir un incendie ! C’est impossible ! Complètement impossible ! Je recule, paniqué. Qu’est-ce qu’il faut faire dans ce cas ? Je ne sais pas, absolument pas ! Et soudain de l’eau vient éteindre le feu. Quoi ? J’écarquille les yeux, fixant l’endroit tout mouillé où il y avait du feu un peu avant... Je ne comprends pas... Mais vraiment pas du tout... Qu’est-ce qu’il s’est passé ? La lame de mon épée pointée vers le sol je regarde un peu autour de moi, cherchant un indice... Et là je vois une fille. Une blonde, de mon âge. Je fronce les sourcils... Je la connais... C’est Nayeli Daekin. Mais qu’est-ce que... Minute... Elle m’espionnait ??? Non, je n’aime pas ça ! Pas du tout ! Je fronce les sourcils, raffermit ma prise sur la poignée... Et m’avance vers elle.
-Nayeli ! Qu’est-ce que tu fais là ? Personne n’est censé être là quand je m’entraîne ! Et puis d’abord, personne ne sait non plus. Alors pourquoi t’es là ? Comment tu savais que j’y étais ?
-Je savais même pas que t’étais là ! Je passais et je t’ai vu. Tu te débrouilles bien. Sauf pour la maîtrise du feu...
-Je te... Minute. Maîtrise du feu ?Je fronce les sourcils... Elle raconte quoi là ? Maîtrise du feu... Oui mais non, je suis pas magicien moi. Pas du tout. Je suis juste un combattant. En tout cas, c’est ce que père m’a toujours répété. La maîtrise de l’épée est plus importante que le reste. Mais je suis tout de même intrigué...
-Bah oui, ça doit être ton pouvoir... Y’a du feu qu’est apparu et je l’ai atteins avec mon eau.
-Je sais pas faire ça...
-Bah si... Tu l’as fait... Tu descends de Mordred d’après les légendes donc tu as ce don.
-On s’en fiche que je descende de Mordred. Je n’ai pas de pouvoirs.
-Si t’en as et moi aussi !Et là elle fait apparaître de l’eau ! Quoi ? J’écarquille les yeux et recule surpris. De l’eau... Elle sait en faire apparaître... Elle est magicienne ? Oui, je connais les légendes, je sais de quelle famille elle vient mais... Ça me semble bizarre... Mais j’arrête de reculer. En fait je suis pas trop inquiet, juste très curieux. Et méfiant aussi... Alors je la dévisage un peu...
-Comment tu fais ?
-Bah, je pense très fort et je laisse le pouvoir m'envahir...
-Et ça suffit ?
-Bah... Faut se concentrer... Savoir précisément ce qu'on veut...Hum... Et si ? Non, je suis pas magicien moi. Mais... Je peux essayer ? Elle saura pas si j’échoue hein... Alors je me concentre... Et imagine une petite flamme un peu plus loin. L’imagine juste. Puis je veux qu’elle apparaisse. Je me sens un peu bizarre... J’ai chaud, comme tout à l’heure... Je sens qu’il y a un truc qui change... Il se passe quoi ? Je fixe un point... Et là c’est une grande flamme qui fait son apparition ! Hein ??? Je fais un bond en arrière, complètement surpris ! Nan, je voulais pas qu’il y ait un truc comme ça... Je tourne la tête vers Nayeli...
-Oups ! Mais c’est trop dangereux !
-Bah ça dépend de ta puissance et puis faut de l’entraînement...Elle éteint facilement la flamme. Je la regarde, perplexe... Ça a l’air si facile comme elle le fait... Oui, si facile... Mais moi j’ai l’impression que je pourrai pas faire pareil... C’est dangereux le feu... Mais je suis quand même toujours curieux... Demande ? Heu... Oui.
-Comment tu t’entraines à un truc qui peut tout détruire ?
-En commençant petit, et avec de l’aide... Je peux éteindre ton feu donc si tu veux... Bah on peut s’entraîner ensemble.
-... J’ai plus l’habitude de m’entraîner tout seul...
-Sauf que là... Bah tu risques de mourir... Donc je peux juste assurer tes arrières pendant que toi, tu fais comme tu le sens.
-Toi, assurer mes arrières ? T’es sûre de toi ?
-Bien sûr ! Tu crois quoi ? Que j’ai des préjugés ?Je regarde un peu ailleurs... Préjugés... Bah, avec mon nom et le fait que je suis la plupart du temps tout seul dans mon coin, ou avec les quelques amis que j’ai, oui, y’a des préjugés... Que elle, elle en ait pas, c’est bizarre, non ? Enfin, je dois lui expliquer ? Peut-être... Mais je continue à regarder ailleurs...
-Bah, disons que... Les autres s’approchent pas trop de moi en général...
-Moi je m’en fiche ! Et t’as besoin d’aide pour tes pouvoirs donc je vais t’aider...J’avais levé les yeux pour la regarder... Mais je baisse à nouveau le regard. Je ne comprends pas... Pas du tout... Pourquoi elle fait ça ? Ce n’est pas normal ! Je suis dans mon coin tout le temps, je suis un garçon bizarre comme disent les autres... Alors... Non, je la regarde à nouveau en fait.
-Pourquoi ?
-Parce que... Hum... Tu m’as l’air sympa... Et que je veux te connaître, tu sembles être bien à connaître.Heu... Elle veut me connaître ? J’ai l’air sympa ? Si elle le dit mais... Y’a pas grand monde qui veut me connaître... Juste les enfants des amis de mes parents... Il n’y a que eux qui savent qui je suis... Alors... J’hésite... Mais après tout, pourquoi pas ? Comme ça, je peux avoir une copine en plus ! Et je vais faire autre chose que de l’escrime. Même si j’aime ça, ça va faire une autre occupation ! Génial, non ? Alors en fin de compte je souris un peu timidement... Avant de sourire franchement. D’accord.
-Alors on fait comme ça, partenaire ! »
C’est là-dessus que tout a commencé avec Nayeli. Nos entraînements... Puis tout simplement notre amitié. On se retrouvait très régulièrement pour s’entraîner à la maîtrise de nos pouvoirs. D'ailleurs, c'est lors de ces entraînements que j'ai aussi découvert, après qu'on se soit involontairement blessés, que je je possédais le pouvoir de guérison aussi ! Génial non ? Juste difficile à maîtriser... Sinon, pour en revenir à Nayeli... On se retrouvait aussi à l’école, en classe. C’était bien... On s’entendait bien... Très bien même ! Et avec elle j’ai changé petit à petit. J’ai arrêté de penser que les adultes étaient tous nuls et que ceux de mon âge étaient idiots. Pas complètement parce que bon, mais quand même. J’étais plus sociable. Toujours très bon élève mais plus sociable. Avec toujours mon sale caractère ! Mais c’était mieux comme ça... Oui, bien mieux. Je me sentais bien, ma petite vie était tranquille quand Diarmaid ne venait pas me provoquer en duel en plein milieu de la cour du collège. Cela n’arrivait pas trop trop souvent mais cela arrivait tout de même. Et il fallait que je le maîtrise quand il se battait avec d’autres élèves... Pff. Mais j’étais bien. Très bien même. Je me répète ? Peut-être, mais c’est la pure vérité.
Et on a tous grandi. Mûri aussi. On se maîtrisait mieux. Je devenais un vrai adolescent. Mon père était fier de moi... Il l’est toujours, même si on entrait assez souvent en conflit, et encore maintenant. Mais Nayeli, ou plutôt Naye, n’est pas restée que mon amie. Non, parce que... Disons que lors des entraînements elle pouvait se montrer trop bavarde. Je ne suis naturellement pas très bavard, alors bon... Et puis j’aime être pleinement concentré sur ce que je fais. J’ai rien dit mais elle a continué après l’entraînement... Et le seul moyen que j’ai trouvé pour la faire taire, ce fut de l’embrasser. Quelle bonne idée j’ai eu ! Oui, il faut savoir que quelques jours après, on sortait ensembles. Et on ne s’est vraiment plus quitté depuis. C’était à la fin du collège. À présent je suis au lycée.
Oui, le lycée. J’y retrouve à présent tout le monde. Famille, amis, amour... Et ennemis... Oui, ennemis. Et principalement en la personne de Michael Peterson. Je ne l’aime pas. Et surtout, depuis quelques temps, il tourne autour de Naye... Je ne le supporte pas... Je ne doute pas d’elle mais que ce... Coureur de jupons ait des vues sur elle non. Comme si j’avais pas assez de William qui ne m’aime absolument pas... Définitivement, l’autre Peterson a tout pour me déplaire. Vraiment tout. Mais bon... Faut que j’oublie cet idiot. J’avoue être encore assez insolent avec les profs et claquer encore régulièrement la porte du dernier cours quand j’ai des trucs à faire. L’an prochain, Ciar débarquera au lycée, j’aurai moins besoin de courir partout. Même s’il débarque beaucoup trop tôt à mon goût mais je n’y peux rien, il a sauté deux classes... Enfin bon... Si je me fais du soucis ? Pas particulièrement. Les légendes font partie du passé, même celle qui nous concernent. Je les garde bien en tête mais je ne me prends pas la tête avec. J’ai trop de choses à régler pour chercher à savoir si les anciennes légendes peuvent ou non avoir un impact direct sur le présent. Et de toute façon j’ai déjà ma réponse...